L’ACCÈS AU MARCHÉ DES PRODUITS DE SANTÉ INNOVANTS
La médecine fait actuellement l’objet d’innovations diagnostiques et thérapeutiques majeures, tout en consommant des moyens de plus en plus importants. Notre système de santé est depuis plusieurs années en profonde mutation, les établissements de santé et les soins de ville étant soumis à d’importantes contraintes budgétaires. Les professionnels de santé sont confrontés à des questions difficiles en matière de choix de stratégies de prise en charge, et plus généralement sur l’établissement des priorités. L’évaluation économique des stratégies médicales est largement utilisée dans certains pays (UK, Australie, Canada), mais son utilisation en France est plus récente. L’évaluation médico-économique vise à analyser de façon comparative les coûts et les conséquences respectives de stratégies concurrentes de prise en charge.
En apportant des informations complémentaires à l’évaluation clinique et des risques des stratégies de santé, l’évaluation médico-économique intervient comme un outil d’aide à la décision, afin d’identifier les stratégies efficientes dans le processus d’allocation des ressources. Elle vise à répondre aux questions suivantes : i) cela vaut-il la peine d’investir dans une technologie donnée (optimisation des ressources) ii) considérant le bénéfice clinique mais le coût supplémentaire lié à l’utilisation d’un produit de santé innovant, est-il justifié qu’il bénéficie d’un remboursement collectif (allocation des ressources, impact budgétaire, efficience). Longtemps peu utilisée dans le contexte français, l’évaluation médico-économique (EME) est l’objet d’une demande accrue depuis la parution du décret du 2 octobre 2012, stipulant que les laboratoires pharmaceutiques ont désormais l’obligation de fournir des analyses médico-économiques pour l’accès au marché de produits de santé ayant un ASMR important (de niveau 1 à 3) ou un impact financier important sur le système de santé.
Au sein des établissements de santé, l’évaluation des technologies de santé est également en plein essor, en particulier celle appliquée aux dispositifs médicaux. Les EME s’y sont développées, en raison de la mise sur le marché de médicaments ou technologies innovants et coûteux et de l’existence de nouvelles modalités de financement des évaluations médico-économiques, telles que les PRME (Programme de Recherche en Economie de la Santé). La réalisation d’évaluations médico-économiques dans le contexte de l’accès au marché de produits de santé innovants et coûteux s’inscrit donc naturellement dans le projet de recherche de l’équipe GRADES.
La réalisation de ces EME est favorisée par le fait que deux membres de l’équipe de recherche (N. Martelli et I. Borget) ont une activité mixte universitaire et hospitalière (N. Martelli dans un centre hospitalier universitaire et I. Borget dans un centre de lutte contre le cancer), ces structures hospitalières étant en première ligne dans l’utilisation de produits de santé innovants. Les thématiques qui feront l’objet d’EME seront ainsi majoritairement issues de leurs problématiques hospitalières. Les EME pourront concerner des technologies diagnostiques (imagerie, tests génomiques, etc.), des innovations thérapeutiques (médicaments, dispositifs médicaux, etc.) ou des innovations organisationnelles (diagnostic en un jour, clinique du risque, impression 3D des dispositifs médicaux).
Par ailleurs, le souhait de faciliter l’accès aux produits et services innovants doit être concilié avec l’exigence de sécurité qui s’est accrue ces dernières années. Ceci conduit le législateur à adopter des réglementations visant à faciliter toujours davantage l’action des victimes, comme par exemple l’action de groupe en santé introduite par la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016, dont il convient d’analyser les possibles conséquences. Outre ces dispositions nouvelles, les pouvoirs publics ne cessent de se doter de moyens renforcés afin d’assurer leur mission de contrôle en matière de mise sur le marché des produits de santé. Ce renforcement de moyens n’aura-t-il pas pour conséquence de conduire à une évolution de la responsabilité dans ce domaine ? Jusqu’alors l’industriel, en dépit des autorisations administratives obtenues (AMM, marquage CE…), restait le seul responsable des dommages causés par le défaut de son produit de santé. Ne risque-t-on pas de voir demain la responsabilité de l’État, tout au moins de ces institutions, recherchée et engagée plus facilement. A cet égard, une attention toute particulière sera accordée aux suites données à la mise en cause de l’Etat dans les plus récentes affaires sanitaires. Dans le prolongement des travaux déjà effectués au sein du service de droit et économie pharmaceutiques sur la responsabilité du fait des produits défectueux, il sera aussi intéressant d’évaluer l’influence du juge sur les données acquises de la science.